L’hypercentre de Bruxelles : du piétonnier au projet urbain. Masterclass Zoom In – Zoom Out

Résumé. Le présent article synthétise les résultats de la masterclass « Zoom in | Zoom out – Brussels hypercentre : from pedestrian area to urban project » organisée conjointement par le BSI-BCO et perspective.brussels en janvier et février 2018. Il s’attache à détailler la définition de l’hypercentre sur laquelle les travaux des participants se sont basés. Les auteurs y présentent également la méthodologie et les résultats des recherches par projets menées par les participants. Une vision générale de l’hypercentre s’y dégage, selon trois pistes stratégiques : 1) élargir le périmètre pour inclure la boucle de métro (ligne 2), le canal et les gares ; 2) structurer l’hypercentre autour d’un maillage d’espaces publics favorables à la mobilité douce et aux services écologiques ; 3) développer des programmes supports d’une culture urbaine cosmopolite.


Action Research – Research by Design

Jean-Philippe De VisscherAniss M. Mezoued & Fabio Vanin

UCL-LOCI, BSI-BCO et VUB

 

1.Le piétonnier, vers un changement de paradigme ?

2. Définitions de l’hypercentre

3. Énoncé de la masterclass

4. Quatre séquences de projets

4.1. Séquence 1 : place de Saint-Josse — Comte de Flandres

4.2. Séquence 2 : chaussée de Wavre-Ixelles — chaussée de Gand

4.3. Séquence 3 : place Stéphanie — gare de l’Ouest

4.4. Séquence 4 : gare du Midi, gare du Nord

5. Une nouvelle figure de l’hypercentre

6. Perspectives

1.   Le piétonnier, vers un changement de paradigme ?

Le piétonnier est une opportunité d’initier un changement profond de paradigme urbain. Une lecture optimiste du projet permet d’y déceler les prémisses de plusieurs basculements ambitieux :

  • Réseau de mobilité douce: le projet marque une priorité accordée aux piétons-cyclistes et aux transports en commun par rapport à la voiture. En outre, le projet entend revaloriser le maillage de rues est-ouest, support de meilleures connexions inter-quartiers (voir dans ce portfolio le texte de [Mezoued et Letesson, 2018] sur le maillage piéton et le partage de l’espace public).
  • Maillage écologique: le projet contribue à diminuer les pollutions liées à l’automobile et réintroduire (de façon limitée) la nature en ville.
  • Espaces publics comme support d’une nouvelle culture urbaine citoyenne et cosmopolite: le projet est d’abord un espace public, et non seulement un espace de desserte des bâtiments. La terminologie décrivant les espaces du piétonnier valorise la culture citoyenne (agora, scène urbaine, etc.). Enfin, la situation même du piétonnier en fait l’interface entre la ville de l’est et la ville de l’ouest.
  • Reconnaissance du caractère particulier de l’hypercentre dans un projet de ville polycentrique.

Certes, ces ambitions ne sont ni clairement formulées par les porteurs du projet ni fermement planifiée. Les ambiguïtés et manquements justifient les craintes et oppositions au projet. Néanmoins, le BSI-BCO soutient que les opportunités positives ouvertes par le projet doivent être reconnues, valorisées et renforcées. Le piétonnier doit être vu comme un jalon dans un processus de transformation plus large et plus ambitieux de l’hypercentre.

Afin d’explorer ces possibilités, le BSI-BCO et perspective.brussels ont organisé conjointement une masterclass d’une semaine, en janvier et février 2018. Via une démarche de recherche par le projet, l’objectif général était de produire le support d’un débat public visant à élargir la réflexion à l’échelle de l’hypercentre [Vanderstraeten et Corijn, 2017], et, en retour, contextualiser les enjeux du piétonnier. En d’autres termes, l’ambition du travail était double :

  • Zoom out:construire une vision qui étend les promesses implicites du piétonnier pour repenser l’hypercentre et, indirectement, l’ensemble de la ville et du territoire bruxellois.
  • Zoom in: en retour, compléter et préciser les enjeux face aux questions encore en suspens dans le projet de piétonnier : programmation des espaces publics et des espaces bâtis adjacents, connexions aux réseaux de transports en commun et de mobilité active, intégration aux maillages écologiques.

Cet article synthétise les résultats de cette masterclass. La première partie détaille la définition de l’hypercentre sur laquelle les travaux de la masterclass se sont basés. La seconde présente la méthodologie et les résultats des recherches par projets menées par les participants. La dernière résume le contenu des débats qui ont clôturé la masterclass, et identifie les pistes à poursuivre.

2. Définitions de l’hypercentre

Plusieurs événements notables invitent à une reconceptualisation du centre de Bruxelles. En particulier, la limite spatiale du Pentagonedoit être questionnée. La réalisation de la boucle de métro (ligne 2 et 6) inclut le centre de Molenbeek et étend le centre au flanc ouest de la vallée. Le Plan Canal redéfinit l’infrastructure hydraulique comme épine dorsale de la métropole (figure 1) [Vermeulen, 2015]. Plus récemment, la série d’ateliers organisés par Brussels Academy sur le thème « bye bye petite-ceinture(R0) » a exploré la possibilité de dépasser la définition du centre comme intérieur d’un ring automobile. Tous ces événements offrent une alternative à la définition du centre comme pôle d’une structure radiocentrique des rocades et pénétrantes automobiles. Ils permettent également de le comprendre autrement que comme une destination historico-touristique. Ils ouvrent la porte à une définition plus riche et plus complexe à la fois en termes d’écologie, de mobilité, d’économie, de pratiques sociales, de représentations.

Figure 1. Gares, métro, canal.
© De Visscher, Mezoued, Vanin, 2018.

D’une façon très générale, un hypercentre englobe les espaces et les lieux présentant une forte densité critique, à la fois en termes de flux et d’échanges. Il est d’abord un laboratoire de cultures urbaines,un lieu où les dynamiques de la ville coexistent, évoluent, se transforment, s’influencent, s’hybrident, s’opposent, se régénèrent, etc. avec une densité et une vitalité supérieure au reste du territoire. Afin de questionner quelle partie du territoire répond à cette qualité d’hypercentre et quels sont les éléments à considérer pour définir son emprise,trois conditions de base ont été identifiées (figure 2-4):

  • Hyper-connectivité  (figure 2): l’hypercentre est un pôle des différents réseaux de mobilité non-automobiles (piéton, vélo, bus, trams, métro, train) et occupe une position stratégique dans les maillages écologiques.
  • Hyper-mixité  (figure 3): la dynamique de l’hypercentre est générée par les complémentarités, tensions, hybridations entre une diversité maximale d’usages et de fonctions.
  • Hyper-diversité (figure 4):la dynamique de l’hypercentre est générée par les complémentarités, tensions, hybridations entre une diversité sociale maximale qui active et transforme ses espaces.

Figure 2. Hyper-connectivité.
© De Visscher, Mezoued, Vanin, 2018.

Figure 3. Hyper-mixité.
© De Visscher, Mezoued, Vanin, 2018.

Figure 4. Hyper-diversité
© De Visscher, Mezoued, Vanin, 2018.

Par conséquent, la structure de l’hypercentre peut tout d’abord être définie comme constituée par la série d’infrastructures de la mobilité qualifiant « l’hyper-connectivité ». Le canal, les réseaux de métro et bus, les gares et chemin-de-fer, les parcours cyclables et piétons, sont les premiers éléments qui doivent être pris en compte pour déterminer la densité globale des réseaux et le degré d’accessibilité aux différents modes de transport. Ils sont la base nécessaire pour envisager une diminution de la prégnance du réseau routier. La figure spatiale qui ressort de cette analyse dépasse clairement la figure du Pentagone.

La deuxième caractéristique qui soutient la nécessité d’élargir la définition de l’hypercentre est « la mixité fonctionnelle »Elle est déterminée par l’identification de la variété et de la proximité des différentes fonctions soit de l’espace bâti, soit de l’espace non bâti. Le résultat montre l’intensité des dynamiques entre une diversité maximale d’usages. Cette analyse montre clairement la nécessité de mieux intégrer la zone du canal — à la fois pour ses espaces productifs et publics et pour les équipements métropolitains (Abattoirs, Ninove, Citroën, Béco, T&T) — les quartiers de portes et leurs noyaux de commerces de proximité, les quartiers de gare et les institutions internationales, ainsi que les espaces verts et le réseau écologique.

La troisième des conditions de base pour la définition de l’hypercentre est celle de « l’hyper-diversité ». Ce type d’analyse montre la forte concentration de la diversité sociale dans la zone centrale de Bruxelles, où non seulement une diversité maximale de nationalités est représentée, mais où l’on peut également voir une variété maximale en termes d’âge, de revenu et d’éducation. Afin que cette exceptionnelle diversité sociale devienne l’objet d’un projet de ville, il est encore une fois nécessaire d’élargir le périmètre de l’hypercentre. Il s’agit de repenser les articulations entre le centre du bas-Molenbeek, les différents quartiers de portes, les quartiers de gares et d’institutions internationales ou encore le quartier du luxe à la porte Louise.

De ces trois premières analyses résulte un nouveau périmètre de l’hypercentre, encore flou dans ces contours, mais certainement plus large que le Pentagone. Afin de définir plus précisément la nouvelle figure spatiale de l’hypercentre, il est nécessaire d’analyser plus finement la structure des espaces publics.

Cette analyse révèle un maillage d’espaces formé principalement par des directrices Nord-Sud et Est-Ouest, et qui peut être divisé en deux catégories : les grands tracés et le réseau capillaire.

Les grands tracés (figure 5) ont une orientation principalement Nord-Sud. Ils ont généralement un caractère formel, dessiné et programmé. On peut dénombrer cinq groupes des grands tracés : les tracés royaux, la Jonction, les boulevards du Centre, le Canal et, dans une vision prospective, la ligne de métro ouest. Aujourd’hui encore, ces grands tracés sont le lieu d’actions stratégiques majeures portées par les pouvoirs publics tels que le piétonnier, le métro Nord, le plan Canal, le musée Kanal.

Figure 5. Grands tracés et réseau capillaire.
© De Visscher, Mezoued, Vanin, 2018.

Le réseau capillaire (figure 5) s’oriente principalement selon une logique Est-Ouest.Il est majoritairement hérité des tracés médiévaux et dominé par la figure des chaussées et des anciens quartiers de portes vers les faubourgs. Le réseau capillairea un caractère généralement plus informel et non-programmés. Il évolue au fil d’interventions tactiques principalement portées par des acteurs privés. Aujourd’hui encore, le réseau de chaussées concentre une part importante de l’activité commerciale de détail. Étant donné leur importance secondaire en termes de flux automobiles de transit, ces espaces sont les lieux où expérimenter en priorité de nouvelles pratiques d’espaces partagés. Étant donné la complexité des micro-dynamiques privées qui les façonnent, leurs transformation nécessité d’expérimenter de nouveaux modes d’urbanisme participatif. Le réseau capillaireest donc un territoire de projet à considérer avec la même importance que les grands tracés.

Le maillage d’espaces publics définissant la figure de l’hypercentre est formé par la combinaison de ces deux catégories d’espaces. Cette dualité est une richesse qui permet une multitude de combinaisons et interactions capables de contribuer à renforcer l’hyper-connectivité, l’hyper-mixité et l’hyper-diversité qui font de l’hypercentre un laboratoire de culture urbaine.

3. Énoncé de la masterclass

Dans le cadre de la masterclass, nous avons proposé à un groupe de vingt-quatre étudiants et professionnels[1], issues de plusieurs disciplines, d’explorer la fécondité de cette complémentarité
spatiale entre les deux types d’espaces publics. Nous y avons mis l’accent sur les boulevards du Centre et leurs relations aux maillages d’espaces publics à l’échelle de l’hypercentre. L’attention s’est portée essentiellement sur les liens est-ouest avec la volonté clairement affichée de rétablir des connexions rompues par les évolutions successives du tissu urbain. Nous avons également choisi d’étudier également la continuité des aménagements du piétonnier dans le sens nord-sud. Ainsi, nous avons constitué quatre équipes pour travailler sur quatre séquences (figure 6).

Figure 6. Quatre séquences de projets . Séquence 1 (en haut, à gauche) ; séquence 2  (en haut, à droite) ; séquence 3 (en bas à gauche) ; séquence 4 (en bas, à droite).
 © De Visscher, Mezoued, Vanin, 2018.

La première séquence démarre de la place Saint-Jossepour se terminer à Comte de Flandres. Elle traverse la petite ceinture au niveau de Madou pour offrir ensuite plusieurs alternatives. Soit rejoindre le canal en passant par la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule et les rues du Fossé aux Loups et de l’Ecuyer, ainsi que la place Sainte-Catherine ; soit passer par le quartier Notre-Dame-aux-Neiges pour rejoindre la Cité Administrative, la place des Martyrs et l’église du Béguinage.

Dans les deux configurations, la séquence croise le piétonnier autour de la place De Brouckère.

La seconde séquence suit le tracé historique du Steenweg. Nous proposons d’étendre ce dernier vers le haut de la ville jusqu’à Ixelles, en incluant la chaussée d’Ixelles et la chaussée de Wavre, et vers le bas de la ville jusqu’à Molenbeek, en incluant la chaussée de Gand. On retrouve le long de cette séquence une diversité socio-économique et socioculturelle importante. On y traverse les quartiers gentrifiés d’Ixelles et Dansaert, les quartiers ethniques de Matongé et de Molenbeek, ainsi que le Bruxelles touristique. La Bourse devient ici le nœud d’articulation entre le piétonnier et cette longue chaussée.

La troisième séquence part de la place Stéphanie pour rejoindre la place Poelaert, le Sablon, les Marolles, la place Fontainas, la Porte de Ninoveet la Gare de l’Ouest. Les espaces publics de cette séquence ont probablement été les moins affectés par les transformations engendrées par les grands tracés. Il y subsiste de ce fait un maillage fin de rues et ruelles où se côtoient quartiers populaires et poches de gentrification.

La quatrième séquence quant à elle s’intéresse à la continuité des aménagements du piétonnier dans le sens des boulevards centraux : vers le Nord et vers le Sud. La gare du Nord et la Gare du Midi deviennent les portes d’entrée de cette séquence qui inclut l’ensemble des boulevards centraux, ainsi que les rues parallèles – tout aussi importantes – que sont la rue Neuve, la rue du Midi et l’Avenue de Stalingrad d’une part, et la rue de Laeken, rue de la Vierge Noire et la rue d’Anderlecht d’autre part.

Les équipes avaient pour objectif d’identifier :

1/les enjeux :

  • Quels sont les enjeux spécifiques et les potentialités des boulevards centraux par rapport au maillage d’espaces publics de l’hypercentre ?
  • Quels sont les enjeux spécifiques et les potentialités de chaque séquence ?
  • Quelles sont les relations entre le piétonnier et ses extensions vers les deux gares et les trois axes est-ouest ?

2/les visions :

  • Que peut être le futur des boulevards centraux ?
  • Que peut être le futur des séquences est-ouest sélectionnées ?
  • Quelles sont les synergies potentielles entre le piétonnier et ses extensions et les trois séquences est-ouest ?

3/les actions :

  • Qu’est-ce qui peut être réalisé à court terme ?
  • Comment les actions sur le court terme peuvent initier des processus de transformation sur le long terme ?

Figure 7. Enjeux, visions, actions.
Source : Masterclass « Brussels hypercenter: from pedestrian area to urban project », © BSI-BCO, 2018.

Chacun de ces trois points a donné lieu à la production d’une maquette (en tout, trois maquettes ont donc été produites) à l’échelle de l’hypercentre (1/2000e: 2,5m X 2,5m). La première comprenait un repérage des séquences et des enjeux qui ont été repris sur une fiche descriptive posée sur un fond d’image satellite commun aux trois maquettes. La seconde comprenait le maillage fin des rues à l’échelle 1/2000esur lequel chaque équipe a apporté sa contribution pour construire de manière cumulative une seule et même figure/vision pour l’ensemble de l’hypercentre. La dernière maquette quant à elle reprenait des zooms sur des actions ciblées pour lesquelles des maquettes au 1/500eet 1/200eont été déposées sur le fond d’image satellite. Les actions sur le court terme sont censées pouvoir faire l’objet d’une expérimentation et d’un test d’aménagement avant la mise en œuvre définitive des projets[2].

Les participants avaient pour seule consigne graphique de respecter un code bichromatique :

  • Vert pour les interventions spatiales et/ou matérielles
  • Orange pour les interventions programmatiques et/ou immatérielles

Les grandes lignes des visions et actions proposées par chaque groupe sont reprises ci-dessous.

4. Quatre séquences de projets

4.1. Séquence 1 : place de Saint-Josse — Comte de Flandres

Vision

L’idée principale de la proposition est de permettre une continuité et une fluidité du cheminement depuis la place de Saint-Josse jusqu’à Comte de Flandres et de ponctuer ce parcours, devenu intuitif, par une succession de placettes (figure 8). Ces dernières font l’objet d’une programmation hebdomadaire de marchés qui matérialisent l’unité programmatique de l’espace.

Figure 8. Vision séquence 1.
Sources: Masterclass « Brussels hypercenter : from pedestrian area to urban project », © BSI-BCO, 2018.

Entre ces lieux, les rues et ruelles se voient libérées de la voiture à l’arrêt et des parkings sur chaussée. Un nouveau scénario de mobilité s’inscrivant dans le changement de paradigme escompté pour l’hypercentre est proposé ici. L’espace public y est libéré de la dominance automobile. Il devient partagé et ouvre la voie à d’autres types d’appropriations.

Pour faciliter les liaisons proposées, le focus est mis sur la séquence allant de la Colonne du Congrès à la Place des Martyrs. Un travail est réalisé sur les cicatrices de la jonction Nord-Midi et de la Cité Administrative pour faciliter les continuités et les franchissements piétons entre la partie haute et la partie basse du boulevard Pachéco.

Actions

La déclinaison de la vision sur l’ensemble de la séquence en termes actions concrètes, sur le court et le long terme, se décline ici en trois propositions principales (figure 9).

Figure 9. Actions séquence 1. Sources: Masterclass « Brussels hypercenter : from pedestrian area to urban project », © BSI-BCO, 2018

D’abord le réaménagement et la reprogrammation de l’esplanade de la Cité administrative. Elle est réaménagée de manière à renouveler l’espace, le rendre plus attractif et y permettre de nouvelles activités, tout en facilitant le franchissement vers le boulevard Pachéco. L’Esplanade fait également l’objet d’une nouvelle programmation qui consiste en la mise en place d’un marché hebdomadaire et d’activités de loisir (exemple : une montgolfière pour apprécier la vue sur Bruxelles).
Ensuite, pour renforcer l’attractivité du cheminement proposé entre la cité administrative et la Place des Martyrs, une nouvelle place est créée au niveau de la rue du Marais. L’actuel bâtiment de BNP Paribas, qui déménagera prochainement, est démoli. Il est remplacé par du logement étudiant et une placette. Une sorte de nouveau quartier étudiant est ainsi créé à proximité de l’Université Saint-Louis – Bruxelles.

Enfin, le réaménagement des rues en espaces partagés, sans parkings sur chaussée, constitue une des actions principales de la proposition et qu’il est possible d’expérimenter sur le court terme.

4.2. Séquence 2 : chaussée de Wavre-Ixelles — chaussée de Gand

Vision

La vision proposée ici est d’étendre le Steenwegvers Ixelles et Molenbeek et d’inscrire la chaussée de Gand et Matongé dans la continuité des séquences d’espaces symboliques bruxellois (place de la Bourse, Grand-Place, Monts des arts, place Royale, etc.) (figure 10). Cette extension et cette unité se font dans un premier temps par la piétonnisation des tronçons manquant le long de la séquence. En effet, la majorité des rues de cet axe sont déjà piétonnisées. L’idée est donc de compléter les tronçons manquants et de créer une sorte de piétonnier est-ouest sur la chaussée historique. Ceci implique un réaménagement lourd des croisements de cette nouvelle chaussée avec la petite ceinture. Afin d’assurer la continuité du cheminement pédestre, Porte de Namur et Porte de Flandres sont donc entièrement repensées.

Figure 10. Vision séquence 2.
Sources: Masterclass « Brussels hypercenter : from pedestrian area to urban project », © BSI-BCO, 2018.

À côté de l’action d’aménagement de l’espace public pour accueillir une mobilité lente, d’autres actions plus légères, ou exclusivement programmatiques et immatérielles sont également envisagées :

  • Accompagner le cheminement par un plan lumière qui met en valeur un certain nombre d’éléments spécifiques liés à l’identité locale des lieux.
  • Créer des festivals culturels et sportifs qui se déplacent le long de l’axe dans le but de faire se rencontrer les populations diverses habitant les différentes parties de la séquence et favoriser ainsi le vivre ensemble.
  • Créer une application mobile qui renseigne sur les différents événements culturels et sportifs, mais aussi sur les lieux d’intérêt tout au long de la séquence.
Actions

En termes d’action concrète, cette séquence propose d’intervenir essentiellement sur Porte de Namuret Porte de Flandres (figure 11). Sur la première il s’agit de fabriquer la continuité de l’espace public piéton entre la chaussée de Wavreet rue de Namur. L’espace routier de la petite ceinture devient à ce niveau-là un espace partagé à priorité piétonne.

Figure 11. Actions séquence 2.
Sources: Masterclass « Brussels hypercenter : from pedestrian area to urban project », © BSI-BCO, 2018.

Sur la seconde, il y est question de continuité de l’espace public piéton entre rue de Flandreset chaussée de Gand, avec une couverture partielle du Canal entre les ponts de la chaussée de Gand et de la rue de Witte de Haelen. Ce nouvel espace public permet de franchir la barrière du Canal et de constituer un espace de rencontre dans ce qui devient le cœur de l’hypercentre.

4.3. Séquence 3 : place Stéphanie — gare de l’Ouest

Vision

Dans cette séquence se situant au sud du Pentagone, il existe une densité importante d’écoles et d’instituts de formation supérieure ou professionnelle issus des différents réseaux communautaires. La proposition consiste ici à créer un réseau d’écoles[3] qui se matérialise autour d’un réseau d’espace public hospitalier à la métrique pédestre (voir à ce sujet et dans ce portfolio [Mezoued et Letesson, 2018] et aux écoliers, et que vient renforcer une forte connectivité en transport en commun. Une sorte de chemin des écoles, sécurisé et débarrassé de la dominance automobile et de sa prégnance sur l’espace (figure 12).

Figure 12. Visions séquence 3.
Sources : Masterclass « Brussels hypercenter : from pedestrian area to urban project », © BSI-BCO, 2018.

Les écoles sont également mises en réseau par un programme commun d’agriculture urbaine. Les toitures des écoles, leurs cours et certains espaces publics deviennent des espaces productifs dont la production est mutualisée entre les écoles et sert à alimenter les cantines. Le récit de mise en œuvre de ce projet implique l’ensemble des établissements. Ainsi, l’Académie des Beaux-Arts peut, en partenariat avec les écoles, concevoir ces lieux de production. Ils peuvent ensuite être réalisés par l’Institut des Arts et Métiers et être gérés par les écoles.

Dans ce projet l’idée est également de réinventer le rapport entre l’école et l’espace public. L’utilisation des cours intérieures de certaines écoles ou certains de leurs locaux pour d’autres activités ouvertes au public est une des propositions du projet. Elle s’inspire des programmes néerlandophones «  Brede School  ».

Actions

Plusieurs actions à court terme sont proposées. Elles concernent essentiellement le programme d’agriculture urbaine lié aux écoles, mais aussi la pacification  de l’espace public et sa transformation en espace child-friendly (figure 13).

Figure 13. Actions séquence 3.
Sources : Masterclass « Brussels hypercenter : from pedestrian area to urban project », © BSI-BCO, 2018.

La première action est l’unification des places et parcs Fontainas pour en faire le cœur du réseau d’agriculture urbaine lié aux écoles. Il passe ainsi de jardin urbain tel que conçu dans le piétonnier en espace productif. Il devient également le centre du réseau de grands espaces ouverts que dessine la séquence avec le parc Egmond, Fontainas et le futur parc de la porte de Ninove.

Place Fontainas, l’angle du rez-de-chaussée de l’institut Anneessens-Funck devient le lieu central de ce programme commun, où se situe la coordination et l’ouverture au public. Il devient également un des lieux de rencontre des écoliers issus de communautés et de milieux socio-économiques et socioculturels différents. Le projet devient une sorte d’espace ou de programme d’apprentissage du cosmopolitisme bruxellois[4].

La seconde action concerne l’appropriation du toit de l’Athénée Robert Catteau. Cette toiture qui se situe au même niveau que la place Poelaert est inutilisée et offre une surface importante en toiture plate. L’idée proposée ici est d’aménager cet espace dans la continuité visuelle de la place et de l’utiliser pour une agriculture urbaine liée à l’école.

La dernière action concerne la réappropriation de l’espace public du boulevard de l’Empereur ainsi que la place de la justice en contre bas du boulevard. Le terre-plein central, ainsi que les trottoirs de ce dernier sont redessinés de manière à créer des continuités piétonnes et sécuriser les franchissements de la voirie. Des terrains de sports et des aires de jeux y sont aménagés. La place de la Justice quant à elle est réaménagée et la grande institution qu’est la bibliothèque nationale y ouvre un programme de proximité lié aux écoles pour animer la place.

4.4. Séquence 4 : gare du Midi, gare du Nord

Vision

Pour la dernière séquence, la vision consiste à renforcer les liaisons des boulevards centraux vers la gare du Nord et vers la gare du Midi (figure 14). Il s’agit ici de prendre les boulevards centraux dans leur épaisseur en incluant la rue du Progrès, la place Rogier, la rue Neuve, la rue du Midi, le Boulevard de Stalingrad et l’Esplanade de l’Europe. Ces rues et ces places ont chacune un caractère spécifique et une animation propre que nous proposons ici d’intégrer dans un ensemble cohérent en renforçant les liens spatiaux et programmatiques entre elles. Ceci passe, entre autres, par le renforcement du caractère métropolitain de l’ensemble de la séquence en complétant l’offre en équipements d’ordre métropolitain, par : la reprogrammation de l’Hôtel Continental place de Brouckère, l’ouverture de l’Académie des Arts vers l’espace public, la reprogrammation du Palais du Midi, ainsi que l’aménagement et la programmation des espaces existants sous les chemins de fer le long de l’esplanade de l’Europe.

Figure 14. Séquence vision 4.
Sources : Masterclass « Brussels hypercenter : from pedestrian area to urban project », © BSI-BCO, 2018.

Actions

En termes d’actions, il est proposé dans un premier temps de renforcer les liaisons entre les rues parallèles de cette séquence (figure 15). Un exemple est donné avec une liaison entre la rue Neuve et le Boulevard Adolphe Max. Ce dernier étant peu animé devrait profiter de la dynamique de la rue Neuve. Ainsi un espace de repos entre les deux rues est créé afin d’attirer les flux d’un espace à l’autre.

Figure 15. Actions séquence 4.
Sources : Masterclass « Brussels hypercenter : from pedestrian area to urban project », © BSI-BCO, 2018.

La seconde action concerne la reprogrammation du Palais du Midi en palais des cultures du Sud. Il s’agit ici de renforcer et reconnaitre le caractère culturel maghrébin et de l’élever au rang métropolitain. Le réaménagement et la nouvelle programmation du Palais du Midi sont également l’occasion pour valoriser le passage entre les boulevards Lemonnier et Stalingrad.  Enfin, une des actions du projet est d’ouvrir les espaces se situant sous le chemin de fer vers l’Esplanade de l’Europe et d’y affecter de nouveaux usages. Ceci permettra de faire vivre cet espace excentré entre la gare du midi et la petite ceinture d’une part, et de réduire l’effet de rupture que provoque le chemin de fer dans le tissu urbain.

5. Une nouvelle figure de l’hypercentre

Les quatre séquences mises ensemble contribuent à construire une nouvelle figure de l’hypercentre de Bruxelles (figure 16). Le maillage d’espaces publics favorables à la mobilité douce et le renversement des priorités d’usage de la voirie permettent de dépasser les limites et frontières physiques que constituent les grands tracés. La figure dominante du Pentagone s’estompe au profit des continuités transversales est-ouest, mais aussi nord-sud. La limite du canal est également franchie et devient une sorte de colonne vertébrale qui fabrique du lien, plutôt que sépare. Cette nouvelle forme contribue également à mettre en réseau de multiples lieux, programmes et usages, autrefois séparés. Ainsi connectés, ils peuvent soutenir et renforcer la dynamique et la diversité de l’hypercentre.

Figure 16. Vision générale pour l’hypercentre.
Sources : Masterclass « Brussels hypercenter : from pedestrian area to urban project », © BSI-BCO, 2018.

6. Perspectives

Les résultats de la masterclassont fait l’objet d’une exposition et d’un débat public organisé au Bozar le 2 février 2018, en présence de Jérémy Onkelinx, conseiller au développement territorial au sein du cabinet Vervoort ; Olivier Verstraeten, responsable du projet de piétonnier au sein du cabinet du Bourgmestre de Bruxelles ; Tom Sanders, directeur du département stratégie territoriale de perspective.brussels ; Kristiaan Borret, bouwmeester-maître architecte (bma) ; Livia de Béthune, auteure du projet de piétonnier pour le bureau SUMProject et Pierre Vanderstraeten, professeur à l’UCLouvain. Ces résultats sont actuellement exposés chez perspective.brussels, et servent de support à un cycle de rencontres entre experts académiques, acteurs publics et citoyens. Les premières rencontres ont permis de confirmer les principes fondamentaux visés par la masterclass.

Premièrement, la vision générale de l’hypercentre a été largement acceptée : élargir le périmètre pour inclure la boucle de métro, le canal et les gares ; structurer l’hypercentre autour d’un maillage d’espaces publics favorables à la mobilité douce et aux services écologiques ; développer des programmes supports d’une culture urbaine cosmopolite. Deuxièmement, la méthodologie s’est révélée féconde. La recherche par le projet permet le développement d’une approche multidisciplinaire, multi-acteurs, ouverte et évolutive. Elle permet à chacun de dépasser son point de vue spécifique pour se projeter dans un avenir commun. Elle permet de baser les débats sur de propositions concrètes et facilement compréhensibles. Autrement dit : la recherche par le projet est un support nécessaire à la co-production du projet urbain aussi complexe que l’hypercentre.

Les premières rencontres ont également permis de cibler les objectifs à poursuivre :

  • Diffuser un nouvel imaginaire de l’hypercentre au travers d’expositions, publications, débats publics, etc.
  • Renforcer les collaborations entre les différents acteurs publics.
  • Coordonner le développement des études spécialisées (mobilité, écologie, économie, usages, programmes publics, gouvernance…) dans une approche transversale, prospective et située.
  • Cibler les études et projets pilotes à développer sur des cas particuliers.

Remerciements

Nous tenons à remercier l’ensemble des participants à la Master Class ainsi que perspective.brussels, le bma, Pyblik, Bozar pour leur soutient. Merci à :

Ait Benasser Yousra, Barthel Camille, Billet Adam, Bujoreanu Benjamin, Catsaris Georges, Chaubet Christine, Creten Alexis, Dieryck Maarten, Gandrabur Konstantin, Grekhnoyva Ekaterina, Laki Giulietta, Laureyssens Thomas, Le Fort Barbara, Lhoest Sophie, Malyshev Gavriil, Milosevic Alexandra, Museux Basile, Raynaud Frédéric, Serroen Frédéric, Tehrany Massaude Sayed Azizilah, Tsopze Nina, Zeit Odile… ainsi que Borret Kristiaan, Myriam Cassiers, De Bethune Livia, Onkelinx Jeremy, Sanders Tom, Yves Rouyet, Soil Christophe, Vanderstraeten Pierre et Verstraeten Olivier. En espérant n’avoir oublié personne.


[1]Les participants ont été sélectionnés après avoir répondu à l’appel à participation lancé par le BSI-BCO et perspective.brussels.

[2]L’idée était de pouvoir, à l’issue de la masterclass, répondre avec la ville à l’appel Living Brussels, lancé par Bruxelles Mobilités, qui offre un budget de 10 000 € par projet pour tester des aménagements d’espace public liés à la mobilité et s’inscrivant dans un processus participatif et de co-production.

[3]Cette mise en réseau des écoles du Pentagone a fait l’objet d’autres travaux de recherche et d’enseignement, notamment celui des étudiants du Master de spécialisation en urbanisme et aménagement du territoire de l’Université catholique de Louvain.
https://issuu.com/anissmezoued/docs/carnet-datelier-pietonnier

[4]À l’image du travail de J. Adams, prix nobel de la paix, qui a développé le concept de Cosmic Patriotismqu’elle défend dans des contextes cosmopolitain tel que celui de Chicago où il faut, selon elle, réinventer les références de l’appartenance locale. Elle met en application ses concepts autour des potagers urbains. Voir à ce sujet : Lisa Heldke, 2012. Cultivating Cosmic Patriotism by Cultivating Cosmos : Urban Gardening and the Creation of Community.In : Elke Krasny (Ed) Hands-on Urbanism. MCMCreations : Wien.


Références

CORIJN, E. et VANDERSTRAETEN, P., 2016. Qu’est-ce qu’un espace public ? In: CORIJN, E., HUBERT, M., NEUWELS, J., VERMEULEN, S. et HARDY, M.(eds), Portfolio#1: Cadrages – Kader, Ouvertures – Aanzet, Focus.Bruxelles: BSI-BCO, pp. 15-20.

CORIJN, E., VANDERTRAETEN, P. et  NEUWELS, J., 2016. Remarques préliminaires concernant le plan d’aménagement du piétonnier. In: CORIJN, E., HUBERT, M., NEUWELS, J., VERMEULEN, S. et HARDY, M. (eds), Portfolio#1: Cadrages – Kader, Ouvertures – Aanzet, Focus.Bruxelles: BSI-BCO, pp. 67-75.

MEZOUED, A. et LETESSON, Q.., 2018. Repenser le partage de l’espace public pour un hypercentre marchable. In : Hubert M., Corijn, E., Mezoued, A., Vermeulen, S., et Hardy, M. Portfolio#2 – Zoom in | Zoom out sur le centre-ville de Bruxelles. Bruxelles : BSI-Brussels Centre Observatory.

VANDERSTRAETEN, P. et CORIJN, E., 2018. Le piétonnier, l’hypercentre et les centres de Bruxelles. In : Hubert M., Corijn, E., Mezoued, A., Vermeulen, S., et Hardy, M. Portfolio#2 – Zoom in | Zoom out sur le centre-ville de Bruxelles. Bruxelles : BSI-Brussels Centre Observatory.

VERMEULEN, S.,  2015. The Brussels Canal Zone. Negotiating Urban Visions. Brussels: VUBPress.